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Photo du rédacteurNitzan Perelman

Sous le viseur : l'oppression des Palestiniens citoyens d'Israël depuis le 7 octobre

Dernière mise à jour : 25 avr.

Par Nitzan Perelman, membre du comité de rédaction.

Depuis le 7 octobre, les Palestiniens citoyens d'Israël sont sous le viseur de la part de la police, des universités et de la société juive. Leur activité sur les réseaux sociaux est scrutée, certains sont arrêtés ou soumis à des enquêtes pour avoir exprimé leur solidarité envers les Gazaouis, et ils sont empêchés de manifester contre le gouvernement israélien. Ces mesures laissent clairement entendre une chose : les citoyens palestiniens, longtemps relégués au statut de citoyens de seconde classe, sont considérés comme une menace intérieure.


Le 17 octobre, dix jours après l’attaque du Hamas et en pleine attaque israélienne sur la bande de Gaza, le chef de la police israélienne, Kobi Shabtay, a décidé de publier une vidéo sur le compte Twitter en arabe de la police. Face à la caméra, il menace clairement les palestiniens citoyens d’Israël : « Quiconque souhaite être citoyen israélien, ahlan wa sahlan (bienvenue en arabe), quiconque souhaite être solidaire avec les Gazaouis, il n'y a aucun problème - je vais le mettre dans un bus pour y aller et je l'aiderai à arriver [à Gaza] ».





 

Shabtay exprime clairement la ligne directrice de l’État d’Israël et de ses institutions depuis le 7 octobre : quiconque exprime de la tristesse, de la compassion ou de la solidarité envers les Gazaouis n'est pas considéré comme un citoyen légitime et subira les conséquences par la suite. En effet, le gouvernement israélien utilise le contexte de la guerre pour persécuter les citoyens palestiniens de l’État, les exposant comme illégitimes, traîtres, une menace intérieure. Ces derniers sont suivis par la police, notamment sur les réseaux sociaux, où chaque publication, partage ou simple « like » peut être utilisé comme motif d'arrestation.

 

C’était le cas d’une artiste et militante arrêtée pour le simple fait d’avoir partagé sur son compte Facebook une photo avec le titre « le cœur est avec Gaza » et une autre où elle a écrit « 140 enfants. 140 rêves. Cicatrice dans le cœur ». Dans un entretien anonyme accordé à Haaretz, elle explique avoir été arrêtée par une dizaine de policiers alors qu'elle était en train d’allaiter son bébé, pour des raisons d’« incitation à la haine et d'identification avec une organisation terroriste ». Une arrestation encore plus dénuée de sens s’est produite à la fin du mois d’octobre lorsqu’une assistante d’éducation dans une école primaire a été arrêtée dans son école et interrogée par la police pour avoir publié une photo portant une écharpe aux couleurs du drapeau palestinien… 5 ans plus tôt.

 

En plus des forces de police, les universités israéliennes prennent également en charge la surveillance des réseaux sociaux, en particulier ceux de leurs étudiants palestiniens. Le lendemain du 7 octobre, l'Université de Haïfa, où étudie un grand nombre d'étudiants palestiniens, a suspendu plusieurs militants suite à leurs publications sur les réseaux sociaux. Cela sans suivre le processus juridique requis, notamment en organisant une audience de clarification. Selon le collectif de professeurs d’université Académie pour égalité, depuis ce moment-là, plus de 120 étudiants dans le pays ont été suspendus par leur université ou ont reçu une convocation à un procès disciplinaire. Dans l'École des beaux-arts Bezalel de Jérusalem par exemple, un étudiant palestinien sur dix a été concerné.

 

Les organisations nationalistes juive-israéliennes, notamment Im Tirtzu, présentes depuis de nombreuses années dans les universités israéliennes, s'occupent de l'analyse quotidienne des réseaux sociaux des étudiants palestiniens, ce qui aide les directions des universités à identifier plus de personnes à blâmer. La dénonciation qu'elles encouragent est devenue un objectif officiel de l'Union nationale des étudiants, censée représenter l'ensemble des étudiants du pays. Depuis le 11 octobre, l'organisation invite ses membres et abonnés sur les réseaux sociaux à remplir des formulaires anonymes pour dénoncer « les étudiants soutenant le terrorisme », tout en mentionnant avoir recruté des personnes pour traduire des publications écrites en arabe.


 

La chasse aux sorcières contre les Palestiniens sur les réseaux sociaux se traduit également par des incidents violents dans les rues. Le 28 octobre, une rumeur indiquait qu'un groupe d'étudiants palestiniens d'une école supérieure à Netanya avait lancé des œufs sur une synagogue dans la ville. Quelques heures plus tard, des centaines de Juifs israéliens ont encerclé les dortoirs des étudiants accusés, criant « mort aux Arabes ». Ces derniers ont dû se cacher pendant des heures en attendant que la police les sauve. Aucune personne n'a été interpellée ou mise en cause dans une enquête. En effet, ce sont les étudiants palestiniens qui ont subi les conséquences de la violence dirigée contre eux : ils ont été évacués de leurs dortoirs sous prétexte de protection et ne peuvent plus travailler car leurs maisons familiales sont trop éloignées. Selon Haaretz, la direction de l'école a admis devant les étudiants que la maire de Netanya, Miryam Feirbeg, avait « promis aux habitants de la ville d'expulser tous les étudiants arabes des dortoirs pendant la période de la guerre ».

 

La violence, les dénonciations et les arrestations suscitent la peur parmi les citoyens palestiniens, entraînant une importante auto-censure. Ceux qui, malgré tout, souhaitent organiser des manifestations pour exprimer leur opposition à l’attaque contre Gaza ou manifester leur solidarité avec les gazaouis font face à des difficultés supplémentaires. Suite à une demande d'organiser des manifestations dans deux villes arabes, Sakhnin et Umm al-Fahm, la police a émis un ordre interdisant l'organisation d'événements de protestation contre l'attaque israélienne à Gaza dans ces communautés arabes spécifiquement, affirmant que de telles manifestations « perturberaient l'ordre et la tranquillité publics ».

 

Les organisateurs des manifestations ont sollicité la Cour suprême pour contredire la décision de la police en vaine. Les juges ont décidé de soutenir la police tout en insistant sur l’importance de la liberté de manifestation même en temps de guerre et de crise. La Cour suprême, présentée par tant de personnes comme le plus grand gardien de la démocratie en Israël, celui qui garantit les libertés individuelles et collectives, se montrait encore une fois au service du gouvernement et des intérêts nationalistes promus par lui.

 

Quelques jours plus tard, une autre intervention de la police a eu lieu lors d'un événement privé organisé par le Haut comité arabe en réaction à l'attaque israélienne à Gaza. Le comité est une organisation faîtière fondée en 1982, coordonnant tous les partis politiques et les organisations représentant les Palestiniens en Israël. Selon les dirigeants de l'organisation, tous anciens députés de la Knesset, étant donné qu'il s'agissait d'un événement fermé avec un nombre limité de 50 invités, aucune autorisation de la police n'était nécessaire. Malgré cela, quatre dirigeants du Haut comité arabe ont été arrêtés sous les caméras et interrogés par la police pendant plusieurs heures.

 

Selon l'organisation des droits de l'homme Adalah, entre le 7 octobre et le 13 novembre, 251 citoyens palestiniens d'Israël ont été arrêtés, enquêtés ou ont reçu des avertissements. Parmi ces actions, 121 ont été déclenchées suite à des publications sur les réseaux sociaux. Cette escalade de répression à l'encontre des Palestiniens, conjuguée au climat général dans le pays, joue un rôle crucial dans la censure des critiques envers le gouvernement et l’attaque de l'armée israélienne à Gaza. Progressivement, cette répression s'étend également aux militants juifs de la gauche radicale, comme ce fut le cas pour Meir Bruchin, dont la seule action était de publier des récits et des photos des victimes palestiniennes à Gaza.



Bien que la censure ne soit pas un phénomène nouveau en Israël, durant cette guerre, elle atteint un niveau inédit, et il est fort probable qu'elle continue à exercer une influence considérable sur le débat public même après la fin des hostilités.

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