Colonies

Par Ryan Tfaily, diplômé de Sciences Po Paris et de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), master Études Politiques.

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Le lexique de Yaani

La poursuite de l’expansion coloniale par l’État d’Israël a pris un tournant historique en 1967. Si, depuis l’accord de paix entre l’Égypte et Israël en 1978, puis le désengagement unilatéral de Gaza en 2005, toutes les colonies du Sinaï et de la bande de Gaza ont été évacuées, l’État israélien a considérablement développé sa politique coloniale en Cisjordanie, à Jérusalem-est et même dans le Golan syrien. 

Environ 31 000 colons israéliens vivent dans le Golan syrien occupé et annexé en 1981, et le Parlement israélien a approuvé un projet, en décembre 2025, visant à doubler le nombre de colons sur le territoire. A Jérusalem-est, on compte plus de 240 000 colons israéliens, qui s’ajoutent aux plus de 500 000 colons habitant en Cisjordanie. Toutes ces colonies sont illégales au regard du droit international, comme le rappellent les nombreuses résolutions votées par les Nations Unies.

En Israël, la colonisation relève d’une politique d’État méticuleusement pensée et instituée. Dans les années 1970, le gouvernement israélien a d’abord commencé par installer des colonies sur les territoires nouvellement conquis, le plus souvent le long de la ligne verte. En plus de ces colonies pérennes, il existe des « colonies sauvages », censées être considérées comme « illégales » au regard de la juridiction israélienne. Ces colonies sauvages sont toutefois protégées par l’armée israélienne qui contrôle la Cisjordanie, et sont le plus souvent légalisées par le pouvoir israélien. En février 2017, la Knesset a voté une loi autorisant l’État israélien à exproprier des propriétaires palestiniens de terrains privés sur lesquels des colons israéliens ont construit des colonies sauvages, sans autorisation préalable des autorités israéliennes. Ce texte a permis de légaliser un grand nombre de colonies sauvages en Cisjordanie. La politique d’expropriation de terres, en revanche, ne date pas de l’arrivée au pouvoir du Likoud et de ses alliés ultra-nationalistes, partisans d’une annexion de la Cisjordanie. Elle avait déjà cours dans les années 1990, au moment même où l’OLP et Israël négociaient les Accords d’Oslo. 

La colonisation obéit à des procédures juridiques complexes côté israélien, même s’il existe des organismes directement chargés de sa mise en œuvre. C’est le cas du Conseil supérieur de la Planification, qui autorise régulièrement la construction de nouvelles unités de logements en Cisjordanie, ou du ministère des Infrastructures. 

En tout, la Cisjordanie compte 147 colonies légalisées par le gouvernement israélien, et quelque 224 colonies sauvages. L’ONG « Peace Now » classifie ces colonies en différentes catégories. Les plus violentes sont les « colonies nationalistes », installées au cœur de la Cisjordanie, et dont les habitants revendiquent un droit sur le territoire au nom du projet du « Grand Israël ». Les « colonies ultra orthodoxes » sont fondées dans un but religieux : les colons y vivent pour des raisons religieuses. Les colonies de « qualité de vie », enfin, attirent des colons pour des raisons économiques, avec desleurs logements àaux prix attractifs. 

La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-est fait partie d’un processus continu de dépossession du territoire palestinien occupé. Elle conduit à une fragmentation et un morcellement du territoire. Cette politique coloniale s’accompagne de la construction d’infrastructures favorisant la colonisation et reliant les colonies entre elles, au détriment des Palestiniens. Le réseau routier, en Cisjordanie, favorise la colonisation, tout en ségrégant les populations occupées. Les routes construites en Cisjordanie relient les colonies àen Israël, et facilitent leurs liaisons avec les villes israéliennes, une manière d’inciter la population israélienne à coloniser la Cisjordanie. Par ailleurs, les routes de contournement permettent aux colons de ne pas traverser les villages palestiniens. La population palestinienne occupée ne peut pas emprunter ces routes, elle est ainsi enfermée dans des enclaves de plus en plus encerclées par les colonies et l’armée.

Par ailleurs, les colons ultranationalistes, protégés par l’armée, mènent régulièrement des raids qualifiés de « pogroms » à l’encontre des villages palestiniens, comme c’est régulièrement le cas à Huwara. Ils s’attaquent aux maisons des Palestiniens, brûlent leurs terres ou leurs biens, exercent des violences physiques à leur encontre.