Par le comité de rédaction de Yaani.
Depuis plusieurs mois, la France connaît une escalade répressive sans précédent à l’encontre de celles et ceux qui dénoncent le génocide et les crimes de masse contre le peuple palestinien, refusent toute forme de normalisation avec l’État d’Israël et s’engagent pour la libération de la Palestine. Arrestations, gardes à vue, interdictions d’événements et de colloques, pressions institutionnelles : les libertés d’expression, de réunion et académique sont directement attaquées, au nom d’une prétendue « neutralité », d’une instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme et de celle contre « l’apologie du terrorisme ». Ce climat d’intimidation s’étend désormais à l’ensemble du champ culturel et académique, transformant la solidarité avec la Palestine en objet de suspicion et de contrôle.
L’exemple récent d’Omar, Palestinien en exil et membre fondateur d’Urgence Palestine, arrêté pour son engagement militant, illustre cette dérive. Comme lui, de nombreux citoyens, artistes et universitaires font l’objet de poursuites ou de sanctions pour avoir dénoncé le génocide en cours à Gaza ou contesté la présence d’institutions israéliennes dans les espaces publics français. L’annulation, le 9 novembre, d’un colloque au Collège de France intitulé « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines » constitue un nouveau signal d’alarme : la liberté académique n’est tolérée qu’à condition de ne pas remettre en cause l’ordre politique établi et le soutien à un État génocidaire.
Ce processus n’est pas isolé. Il traduit une logique de gouvernement par la peur, dans laquelle la crainte de voir mise en cause la politique française de soutien à Israël remplace la protection des droits fondamentaux et la possibilité de dénoncer une politique génocidaire. Sous la pression de groupes d’extrême droite, mais surtout par peur de la critique d’un allié engagé dans un régime génocidaire, les institutions publiques reculent et installent un régime de censure et d’autocensure généralisées. La prétendue « neutralité » institutionnelle se transforme alors en instrument de contrôle idéologique, restreignant la liberté intellectuelle, dissuadant toute production critique du savoir et participant à la silenciation des voix palestiniennes.
Ce durcissement s’inscrit dans un contexte international auquel la France participe directement, en continuant d’apporter un soutien politique, économique et militaire à un régime engagé dans un processus génocidaire. Alors que les Palestiniens, de nombreux experts onusiens, organisations de la société civile et professeurs de droit international qualifient les crimes commis à Gaza de génocide, l’État français poursuit ses coopérations bilatérales avec Israël, pourtant poursuivi devant la Cour internationale de Justice pour génocide et alors que son Premier ministre fait l’objet d’un mandat d’arrêt. En dépit de ses obligations internationales de prévention et de répression du crime de génocide, la France a maintenu ses échanges diplomatiques, autorisant à plusieurs reprises le survol de son espace aérien par l’avion de Benyamin Netanyahou, et contribuant ainsi à la normalisation d’un État génocidaire.
Dans ce double mouvement – complicité extérieure et répression intérieure – se lit un même refus : celui de laisser place à une parole libre et décoloniale sur la Palestine.
Dans ce contexte, une question s’impose : quelle place reste-t-il pour la recherche sur la Palestine et pour les études décoloniales dans un environnement dominé par la peur et la dissuasion intellectuelle ? Déjà marginalisés, ces champs de recherche constituent désormais un indicateur de l’état réel des libertés démocratiques en France. Leur mise au silence ne relève pas d’abus isolés, mais d’une dynamique structurelle : celle d’un État qui, plutôt que de garantir les libertés d’expression et académique, sanctionne l’exercice lorsqu’il confronte le pouvoir à ses propres manquements au droit.
Face à ce contexte inédit de répression et de censure, vous pouvez signer une pétition portée par des chercheurs appelant à la démission du ministre de l’enseignement supérieur.












