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Entre armée et milices irrégulières, les multiples acteurs du génocide à Gaza

par Ryan Tfaily
9 novembre 2025
in Analyses
Reading Time: 14 mins read

Par Ryan Tfaily, diplômé de Sciences Po Paris et de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), master Études Politiques.

Rarement mentionnées dans la presse, des milices israéliennes plus ou moins autonomes ont joué un rôle non négligeable dans la guerre génocidaire livrée contre Gaza. Aux côtés de l’armée officielle, ces forces irrégulières ont essentiellement eu pour fonction de raser systématiquement les infrastructures civiles palestiniennes, dans une politique assumée de nettoyage ethnique. Sous contrôle de l’État ou tolérés par celui-ci, ces groupes doivent être compris dans le contexte plus général du colonialisme de peuplement en Israël-Palestine, où la violence contre les Palestiniens n’est pas le seul fait des institutions israéliennes, mais aussi d’une multitude d’acteurs extra-étatiques.

Un bulldozer israélien détruit une mosquée dans la bande de Gaza, mars 2024. Source : capture d’écran du compte Twitter du journaliste palestinien Younis Tirawi.

Au cœur de la guerre génocidaire menée par l’État israélien contre les Palestiniens de Gaza, la politique d’urbicide a pour objectif affiché de rendre le territoire invivable et de contraindre ses habitants à l’exil. Typique du colonialisme de peuplement, qui entend effacer la population autochtone et ses aspirations nationales par un travail constant d’ingénierie démographique, la démolition de Gaza a été appliquée graduellement, d’abord à l’est et dans les corridors contrôlés par l’armée israélienne, puis dans les camps du nord de l’enclave, à Jabalia et Beit Hanoun, avant d’être étendue à Rafah, Khan Younès et finalement à Gaza-ville.

Carte de Gaza, mise à jour du 22 octobre 2025. Israël contrôle encore 58 % du territoire derrière la ligne jaune. Les régions de Rafah, Khan Younès, Gaza-Nord et Gaza-ville ont été méthodiquement rasées. Source : capture d’écran du site de l’OCHA.

Après avoir été assiégées et pilonnées par l’aviation israélienne, ces zones ont été méthodiquement rasées au sol par des acteurs extra-étatiques, en plus des troupes officielles de l’État.

L’analyse de ces forces irrégulières et de leurs relations au pouvoir politique ainsi qu’à la hiérarchie militaire permet d’avancer deux hypothèses plus générales sur le projet politique israélien. D’une part, elle appelle à repenser le modèle wébérien de l’État comme détenteur du monopole de la violence légitime, pour saisir la complexité de l’exercice de la violence dans un contexte colonial. D’autre part, elle invite à mieux appréhender les clivages internes aux élites israéliennes, en particulier s’agissant de leur rapport aux institutions de l’État.

Des milices autonomes au service du génocide à Gaza

Le quotidien israélien Haaretz a régulièrement fait état d’une variété d’acteurs israéliens extra-étatiques, plus ou moins officieux, ayant participé à la guerre contre Gaza de manière relativement indépendante de l’armée officielle. Quoique de natures différentes, trois d’entre eux témoignent de la fragmentation de la violence dirigée contre les Palestiniens.

D’abord, au sein même de l’armée, des bataillons ont agi comme des milices autonomes ou des « armées dans l’armée ». La 252ème division blindée, commandée depuis août 2024 par le Général Yehuda Vach – un colon de Cisjordanie qui se revendique du courant messianique et fasciste au pouvoir en Israël –, a ainsi été qualifiée « d’armée privée » par Haaretz. Le journal a enquêté sur les pratiques glaçantes du Général et de ses hommes contre des civils palestiniens dans le fameux « corridor Netzarim », occupé par cette division d’août à novembre 2024. L’intéressé n’a pas hésité à constituer sa propre milice, en faisant venir à Gaza des soldats religieux mais aussi des colons de Cisjordanie, par l’intermédiaire de son frère Golan Vach. Sans en informer leurs supérieurs, les frères Vach ont pris leurs propres initiatives, avec pour objectif « d’aplatir » Gaza, c’est-à-dire de raser systématiquement les infrastructures palestiniennes afin de dépeupler le territoire. Fait important, Haaretz rapporte que l’armée israélienne cherchait elle-même, à cette époque, à raser un nombre significatif de bâtiments dans le « corridor Netzarim » pour strier la bande de Gaza en deux. Toutefois, la force établie par le tandem Vach, appelée Pladot Heavy Engineering Equipment, semble avoir fonctionné comme une entité paramilitaire, en parallèle de l’armée officielle. Interrogé, le porte-parole de l’armée israélienne nie l’implication de « civils » et prétend que les opérations des deux frères ont été approuvées par la hiérarchie militaire. De fait, la milice des Vach a reçu l’accord tacite de l’état-major pour opérer avec son propre agenda – lequel rejoignait celui de l’armée officielle, à savoir la démolition du « corridor Netzarim ».

Similairement, toujours Haaretz a révélé en septembre 2025 l’existence d’une mystérieuse force Uriah, active à Gaza depuis plus d’un an au moment de la parution de l’article. Celle-ci s’est arrogée le même rôle que le bataillon-milice des Vach : raser le plus de bâtiments possible à l’aide d’engins lourds. Également composée de colons de Cisjordanie, la force Uriah semblait néanmoins plus indépendante de l’armée. Sans lien apparent avec une quelconque unité régulière, elle s’est formée à partir d’une initiative autonome de colons et n’informait aucun supérieur de ses activités lorsqu’elle opérait dans l’enclave. Par ailleurs, bien qu’ils aient été autorisés à entrer dans Gaza, ces « Israéliens indépendants » n’inscrivaient pas leurs noms auprès du quartier général militaire. Là encore, le porte-parole de l’armée botte en touche lorsqu’il est questionné sur l’existence de cette force officieuse, prétendant qu’elle agissait sous la supervision de l’armée – ce que démentent les informations de Haaretz.

En revanche, les institutions israéliennes ont ouvertement avoué déléguer la prise en charge de leur guerre expansionniste à des sous-traitants « civils ». Aux côtés des réservistes de l’armée, le ministère de la Défense est en effet parvenu à mobiliser de nombreux entrepreneurs dont l’unique mission consistait à démolir au bulldozer des infrastructures. Au passage, la grille tarifaire mise en place par le ministère sur une base journalière ou mensuelle révèle à quel point l’objectif consistait à raser Gaza le plus vite possible : l’armée proposait de payer 2 500 shekels (environ 650 euros) chaque conducteur de bulldozer pour la destruction de bâtiments de trois étages, et 5 000 shekels (environ 1 300 euros) pour des structures plus hautes. Ces recrutements s’effectuaient via des contrats entre le ministère de la Défense et des entreprises privées spécialisées dans la logistique. Certaines de ces firmes sont d’ailleurs directement impliquées dans la colonisation de la Cisjordanie, à l’instar de la Libi construction and infrastructure, une entreprise sanctionnée par le Royaume-Uni et qui a fourni son contingent d’opérateurs à Gaza. Comme pour la milice des Vach et comme pour la force Uriah, la plupart de ces entrepreneurs étaient des colons de Cisjordanie, au moins autant motivés par la juteuse rémunération qui leur était offerte que par des ambitions politiques et idéologiques.

Du monopole de la violence dans un contexte colonial

Comment qualifier et comprendre ces groupes extra-étatiques, composés d’hommes ne faisant pas partie de l’armée régulière, mais qui ont œuvré, de concert avec cette armée, à l’annihilation de Gaza ?

Inspirée par la définition wébérienne de l’État comme détenteur du monopole de la violence légitime, la théorie politique classique interprète généralement l’émergence de groupes irréguliers violents au prisme de l’affaiblissement de l’État et de sa souveraineté ou à l’aune de la délégation de la violence. Lorsqu’elle déborde du cadre dit « officiel » de l’appareil étatique et qu’elle est exercée par des « civils indépendants » qui se constituent en milices autonomes, la violence est parfois perçue comme un défi posé au capital coercitif de l’État ou comme le produit d’un comportement social déviant lié à un chaos institutionnel.

Or cette lecture wébérienne classique échoue à appréhender la complexité de l’exercice de la violence par les États coloniaux qui se forment, se maintiennent et s’étendent dans un processus continu de colonialisme de peuplement. C’est la thèse que développe la sociologue palestinienne Areej Sabbagh-Khoury dans un article qui propose justement de discuter le concept de monopole de la violence dans le cas des États coloniaux à partir de l’exemple israélien.

À l’inverse d’autres contextes étatiques, les États coloniaux ne se construisent pas par une séparation des sphères et une concentration de la violence dans les mains des institutions, mais au contraire par la délégation de celle-ci à une société civile qui fonctionne comme agent de l’État. Bien qu’elle se manifeste sous des formes différentes selon les espaces sous son contrôle, la violence dite « légitime » de l’État colonial inclut la dépossession, l’expropriation et le nettoyage ethnique continus des autochtones, dans l’objectif d’accumuler le plus de terres avec le moins de natifs possible.

Un tel projet territorial et démographique repose sur un effacement des frontières catégorielles entre civils et combattants, entre citoyens et colons – un effacement dont la sociologue rend compte en forgeant la catégorie de « citoyens-colons ». Partagée entre l’État et les « citoyens-colons », la violence est en partie exercée par des acteurs qu’elle qualifie « d’extra-légaux » dans le sens où ils débordent du cadre dit « classique » de l’appareil étatique. Pourtant, cette violence reste « légitime », au sens wébérien, en ce qu’elle est soutenue et encouragée par l’État.

On peut mentionner, à titre d’exemple, le cas célèbre du deuxième amendement de la constitution des États-Unis. Celui-ci garantit le droit au port d’armes en prétendant qu’une « milice bien organisée » est « nécessaire à la sécurité d’un État libre » ; et il est un héritage direct de la formation coloniale de l’État.

Instruments de contrôle…

L’analyse d’Areej Sabbagh-Khoury soutient ainsi que la violence extra-étatique, loin de constituer une déviation de l’ordre étatique colonial, participe à la construction et au renforcement de celui-ci.

Appliqué au cas d’Israël-Palestine, ce schéma révèle d’abord toute sa pertinence historique. Avant même son institutionnalisation, le proto-État sioniste a eu recours à des populations civiles dans sa stratégie d’accaparement et de contrôle de terres jusqu’ici peuplées de populations palestiniennes. En témoigne l’opération « Tour et Muraille », décidée et mise en œuvre par le Yishouv de 1936 à 1939, au cours de laquelle 52 colonies juives ont été construites, avec en leur centre une tour de surveillance, afin de « sécuriser » des frontières et devenir ainsi les postes avancés du futur État israélien.

Cette politique se poursuit évidemment en Cisjordanie où les milices armées de colons israéliens, qui multiplient les activités violentes contre les Palestiniens, ont pu être caractérisées comme des agents informels de l’État, chargées par lui d’implanter sa souveraineté et son autorité sur des territoires et des populations subordonnées.

La collusion dialectique entre État et « citoyens-colons » ne se manifeste pas uniquement dans les territoires illégalement occupés. Elle est présente à l’intérieur de la Ligne verte, où des civils israéliens d’extrême droite se comportent comme des vigilants voire des miliciens à l’encontre des Palestiniens d’Israël ou des Israéliens dissidents, opposés au génocide et à l’occupation. Ce fut le cas lors de l’« Intifada de l’unité » en mai 2021, réprimée en Israël non seulement par les forces de l’ordre, mais aussi par des « civils radicaux » proches de l’actuel ministre kahaniste de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. Après les attaques du 7-Octobre, ce dernier a en outre délivré plus de 100 000 permis d’armes à feu à des Israéliens des deux côtés de la Ligne verte, tout en créant des « unités » composées de civils armés afin de « protéger les villes israéliennes ».

Saisie dans ce contexte général, la démolition de Gaza par des groupes irréguliers devient plus intelligible. Elle relève typiquement de ce partage des tâches entre État et « citoyens-colons », où les seconds font le « sale boulot » sous le regard bienveillant du premier. Il importe néanmoins de distinguer deux phénomènes différents à l’œuvre dans la participation de ces forces à la destruction de Gaza.

Dans le cas des opérateurs recrutés par le ministère de la Défense pour raser l’enclave, c’est bien l’État lui-même qui initie et encourage la violence extra-étatique, en impliquant directement sa société dans son entreprise de nettoyage ethnique. Instruments sous son contrôle direct, les groupes de colons-démolisseurs lui permettent accessoirement d’amoindrir la charge de l’armée régulière, confrontée à une crise de réservistes, en particulier après la rupture unilatérale de la trêve en mars 2025.

Dans celui des milices autonomes des frères Vach et de la force Uriah, l’autorité politique n’est pas l’instigatrice directe de la violence. Cette dernière est le fait d’acteurs autonomes, qui s’affranchissent de toute directive officielle. Mais ces pratiques, loin d’avoir été sanctionnées, ont été tolérées. Bien qu’extra-légale, car dépassant voire remettant en cause l’autorité officielle de l’institution militaire, l’intervention de « citoyens-colons » à Gaza ne dérangeait pas l’échelon politique, puisqu’elle facilitait directement l’un des objectifs de sa guerre génocidaire, à savoir l’effacement du paysage palestinien.

…ou instruments hors de contrôle ?

S’ils sont indéniablement des instruments au service du pouvoir colonial, ces groupes n’en restent pas moins des armes à double tranchant, utiles jusqu’à ce que leur agenda concurrence d’autres impératifs.

La milice des Vach comme la force Uriah ont ainsi fait l’objet de reproches d’une partie du commandement militaire actif à Gaza. Toutes deux sont accusées, par leurs comportements erratiques et leur gestion chaotique des zones dans lesquelles elles opéraient, d’avoir mis en danger des soldats de l’armée régulière.

Dans les témoignages rapportés par Haaretz, des officiers israéliens se sont plaints de décisions de la part de ces deux groupes : à Yehuda Vach, il est reproché d’avoir précipité la mort de huit réservistes israéliens en les envoyant dans une zone qui n’avait pas été préalablement « inspectée » – selon le langage militaire israélien ; tandis que la force Uriah était connue pour se déplacer d’un endroit à l’autre de manière désordonnée, sans aucune précaution, mais aussi pour envoyer des soldats patrouiller dans des secteurs n’ayant pas été « sécurisés ».

Significativement, les révélations du journal ont été permises grâce à des fuites internes d’officiers, mécontents du degré d’autonomie dont jouissaient ces deux groupes. En filigrane, apparaît bien une tension entre des supérieurs militaires sensibles au respect de la hiérarchie, et des forces pour l’essentiel composées de colons de Cisjordanie, déterminées à s’émanciper du commandement de l’armée voire critiques de celui-ci.

« Deux Israël » ?

Or les tensions sécuritaires qui entourent la présence de ces acteurs irréguliers à Gaza ne constituent qu’une expression d’un clivage certes ancien, mais désormais croissant en Israël.

Ce clivage a éclaté au grand jour lors de « l’incident de Sde Teiman », en juillet 2024, lorsque des manifestants israéliens d’extrême droite, dont la plupart étaient armés, ont pris d’assaut une base militaire afin de s’opposer à une procédure interne de l’armée – essentiellement destinée à faire bonne figure devant la « communauté internationale » – visant à enquêter sur des violences sexuelles commises par des réservistes israéliens sur des détenus palestiniens dans cette base militaire. Ce même clivage s’est également observé lors des émeutes qui ont eu lieu à Jérusalem en janvier 2025 pour protester contre la signature d’une trêve par le gouvernement israélien. Il se perçoit régulièrement lors des attaques de colons de Cisjordanie contre des bases militaires israéliennes. Dans chacun de ces cas, des miliciens radicaux, à l’intérieur et à l’extérieur de la Ligne verte, finissent par échapper à l’autorité d’un État qui les a pourtant armés et encouragés.

S’il est trop tôt pour parler d’un « ordre milicien » en Israël, et s’il convient de ne pas surestimer l’importance de ces fractures internes, on aurait tort d’en ignorer totalement la portée.

Le questionnement sur le degré d’autonomie dont doivent jouir ces groupes s’inscrit dans de ce que la journaliste israélienne Mairav Zonszein a appelé « la guerre cachée d’Israël », un conflit opposant entre elles les élites israéliennes. En effet, certaines élites sécuritaires et militaires dites « classiques » estiment que des factions de la droite nationaliste et les milices de colons menacent parfois ce qu’elles définissent comme « les intérêts supérieurs de l’État » ; quand des idéologues du Grand Israël, plus directement alliés au mouvement des colons, n’hésitent pas à défier ouvertement l’autorité institutionnelle, y compris l’armée.

Reformulée autrement, cette tension intra-israélienne se situe dans la hiérarchie des priorités qu’établissent les classes dirigeantes israéliennes entre judaïsation des territoires palestiniens et respect des institutions : d’un côté, certaines élites sécuritaires, dont le pouvoir ne cesse de décliner, qui veulent subordonner la judaïsation au respect des institutions de l’État ; de l’autre, des dirigeants qui voient désormais ces institutions comme un frein à l’avancée du projet colonial.

En Israël, la captation galopante de l’appareil étatique par des représentants directs des milices de colons indique que les idéologues du Grand Israël sont en train de l’emporter progressivement. En atteste le chef officieux de la force Uriah à Gaza : celui-ci n’était autre que Bezalel Zini, le frère du nouveau chef du Shin Bet, David Zini, un colon ultranationaliste nommé par Benyamin Nétanyahou.

Faut-il le préciser ici, ce conflit intraétatique ne recoupe aucunement un clivage moral, et certainement pas une différence de vue concernant le règlement de la question palestinienne. Il concerne avant tout la projection que se font les Israéliens d’eux-mêmes, et celle qu’ils veulent renvoyer à la « communauté internationale ».

Concluons enfin que ce clivage n’est ni totalement nouveau ni spécifique au contexte colonial israélien. La possibilité d’une dynamique factieuse en Israël et les tensions qu’elle suscite se posent depuis 1967, et remontent même à 1948, lorsque deux milices sionistes, l’Irgoun et le Léhi, refusèrent l’ordre d’institutionnalisation donné par David Ben Gourion au sein de la nouvelle armée israélienne. Cette fracture n’est pas sans rappeler d’autres cas de colonialisme de peuplement, comme celui français en Algérie, où des colons revendiquaient de défier l’autorité de Paris lorsqu’ils la percevaient comme contraire à leurs intérêts. Dès 1998, le sociologue israélien Uri Ben-Eliezer étudiait déjà la possibilité d’un coup d’État militaire en Israël, en proposant une comparaison avec la France coloniale lors de la guerre d’Algérie. La montée en Israël d’une extrême droite factieuse voire sécessionniste, qui va même jusqu’à contester publiquement la vassalisation aux États-Unis, ne fait que renforcer cette analogie.

Tags: Colonialisme de peuplementÉtatGazaGénocideIsraëlPolitique israélienne

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