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Le pont terrestre entre Jebel Ali (Émirats) et Haïfa (Israël) : ce que les tentatives de transbordements de navires révèlent des alliances entre les pays du Golfe et Israël

Benoît Challand par Benoît Challand
15 juillet 2025
dans Analyses
Temps de lecture: 14 minutes

Par Benoît Challand, professeur de sociologie à la New School for Social Research (New York).

Face aux manœuvres des Houthis s’attaquant aux navires israéliens en mer Rouge en soutien à Gaza, un mécanisme de transbordement des navires – c’est-à-dire, leur réacheminement en voie terrestre et leur transport par camions – aurait été mis en place entre les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et Israël. Moins qu’une alternative concrète et viable au blocus des Houthis, cette initiative se présente surtout comme une opération politique dévoilant une volonté de construire, par le langage, un nouvel ordre régional, au centre duquel figureraient les alliances entre Israël et les pays du Golfe.

Le port de l’Émirat de Dubaï, situé dans le district de Jebel Ali, à Dubaï, aux Émirats arabes unis

À la fin de l’année 2023, le gouvernement houthi à Sanaa a lancé des attaques contre des navires traversant le détroit de Bab el-Mandeb en direction du canal de Suez. L’objectif était de bloquer les porte-conteneurs israéliens – ou ceux des alliés d’Israël – en réponse à la destruction de Gaza par l’armée israélienne. Pendant quelques mois en 2024, le trafic des navires commerciaux en mer Rouge a été fortement perturbé. La principale réponse à ces manœuvres fut une campagne militaire israélo-étasunienne conjointe visant à protéger les grands porte-conteneurs contre les attaques houthis.

Toutefois, une autre solution, qui a reçu très peu d’attention de la part des observateurs européens et américains, consistait à réacheminer les navires vers le golfe Persique, y décharger leurs cargaisons sur des camions, puis expédier les conteneurs par voie terrestre, depuis Dubaï aux Émirats arabes unis (EAU), ou Manama à Bahreïn, jusqu’en Israël. Cet itinéraire, fondé sur le principe du transbordement (du transport maritime vers le transport terrestre), est au cœur de cette brève analyse critique : quelle est la réalité effective de cette alternative au blocus houthi ? Est-elle une pratique concrète permettant de contourner ce blocus ou une mise en scène destinée à exhiber une supériorité israélienne ? Faut-il raisonner en termes binaires entre réalité et propagande, ou plutôt interroger la finalité de la stratégie médiatique israélienne comme réalité propre ?

Un examen plus approfondi de ce corridor terrestre suggère que l’idée de transbordement a été davantage une opération de communication politique qu’une véritable alternative concrète au transport maritime mondial. Cette analyse avance que les alliances bilatérales entre Israël et deux ensembles de pays du Golfe sont probablement moins importantes que les projets plus vastes de remodelage de toute la région sud-ouest asiatique.

Elle montre également que les tentatives de normalisation entre certains pays arabes du Golfe et Israël demeurent suspendues à la guerre destructrice en Palestine. Le corridor de transport entre certains pays du Golfe et Israël ne serait-il qu’une couche supplémentaire dans la guerre sémantique et médiatique autour de la Palestine ?

Retour dans le passé : décembre 2023

Le 27 décembre 2023, puis le 14 février 2024, le quotidien israélien de droite The Times of Israel a publié deux articles sur cette idée de transbordement via le Golfe et sur les liens croissants entre Israël, Manama et Dubaï, dans le contexte des attaques houthies. Un autre média, indien, The Times of India, avait relayé ce développement quelques jours plus tôt, le 25 décembre 2023. Selon tous ces articles, la solution trouvée consistait à permettre aux navires à destination d’Israël d’éviter la zone dangereuse de Bab el-Mandeb, ce passage étroit de 20 kilomètres entre le Yémen et Djibouti qui marque l’entrée de la mer Rouge.

Plutôt que de naviguer dans les zones de la mer Rouge où les Houthis pourraient facilement organiser des attaques, ces grands navires commerciaux accosteraient et déchargeraient leur cargaison à Jebel Ali, le principal port des Émirats arabes unis, ou à Mina Salman, à Bahreïn. De là, les conteneurs seraient chargés sur des camions et expédiés vers le port israélien de Haïfa, après un trajet terrestre à travers l’Arabie saoudite et la Jordanie.

Deux entreprises israéliennes — Mentfield Logistics, un transitaire, et Trucknet, une « entreprise de transport intelligent » utilisant l’intelligence artificielle pour améliorer la rapidité et l’efficacité du transport maritime mondial — ont signé des accords avec des partenaires à Dubaï afin de décharger les navires à destination d’Israël, offrant ainsi un contournement au blocus imposé par les Houthis.

Les marchandises en provenance d’Inde ou de Chine seraient transbordées dans l’un des nouveaux ports construits sous des régimes d’exonération fiscale typiques de la période néolibérale de ces quatre dernières décennies. Puisqu’on estime qu’environ 15 à 20 % du commerce maritime mondial transite par la mer Rouge et le canal de Suez, les enjeux liés à l’existence d’une route alternative ne sauraient être plus importants.

Divers sites web reprennent, sans esprit critique, le même récit vantant le succès de cette voie de contournement, qui rendrait caduques les opérations militaires des Houthis. Ces articles parlent d’« opportunités révolutionnaires pour le secteur logistique » et d’une réduction drastique des délais d’expédition. The Times of Israel évoque douze jours gagnés grâce au corridor terrestre (en citant la ministre israélienne des Transports, Miri Regev), tandis que le ministère israélien de la Défense estime que ce corridor pourrait « économiser 80 % du temps de trajet par voie maritime », offrant une alternative plus rapide que le passage par le canal de Suez, à un prix compétitif.

The Times of India et India Briefing citent tous deux le PDG de Trucknet, Hanan Fridman, affirmant qu’un trajet maritime peut être réduit de dix jours par voie terrestre.

Il est pourtant loin d’être évident que des camions transportant deux conteneurs à la fois puissent être plus compétitifs, en termes de coût, que des porte-conteneurs pouvant facilement en transporter 5 000. Certes, le trajet est probablement plus court si l’on considère uniquement le temps nécessaire à un camion pour parcourir la distance entre les Émirats arabes unis et Haïfa, mais qu’en est-il du temps nécessaire pour que les navires entrent dans le port, soient déchargés, que leurs centaines de conteneurs soient triés, puis rechargés sur des camions ? La distance entre les ports de Dubaï ou de Manama et celui Haïfa dépasse les 2 000 kilomètres, ce qui nécessite également une quantité importante de carburant. Même pour un profane peu féru en logistique, il semble peu probable qu’un corridor terrestre soit viable à long terme. En tenant compte des précédentes tentatives de transbordement dans la région, on peut émettre de sérieux doutes quant à la faisabilité de cette voie terrestre.

En effet, il y a quelques années, en 2021, Israël et Dubai Ports World — l’exploitant du port de Jebel Ali aux Émirats arabes unis — ont tenté d’établir un autre pont terrestre pour contourner le canal de Suez. Ce pont concernait une distance bien plus courte, entre le port sud d’Eilat en Israël et Haïfa, soit un peu plus de 400 kilomètres – un cinquième de la distance du transbordement actuel. À l’époque, l’objectif était d’acheminer du pétrole sans passer par le canal de Suez : la co-entreprise émirato-israélienne appelée Med-Red Land Bridge Ltd voulait « permettre aux pétroliers de transporter le pétrole depuis le port de la mer Rouge d’Eilat jusqu’aux côtes méditerranéennes, où le pétrole serait directement expédié vers l’Europe ». Le projet Med-Red Land Bridge n’a jamais vu le jour, car il s’est avéré difficile à mettre en œuvre et comportait d’énormes coûts environnementaux, nous explique Elham Fakhro dans les pages 116 et 117 de son récent livre sur les Accords d’Abraham. Alors pourquoi ce pont terrestre, beaucoup plus long, réussirait-il ?

« Il semble que le pont terrestre ne soit ni opérationnel, ni financièrement viable. Il relève donc davantage d’un coup politique. Pourquoi, dès lors, investir de l’énergie dans ces communications apparemment futiles ? »

Les articles internationaux mentionnant ce pont terrestre alternatif se sont tous concentrés autour des mois de février et mars 2024, et reprennent le contenu publié par The Times of Israel, qui sert lui-même de porte-voix à ces deux entreprises privées israéliennes. Ainsi, la hasbara israélienne (ndlr : propagande officielle de l’Etat d’Israël) n’a pas été remise en question. La page web de Trucknet dédiée à la « route de transport Est-Ouest de première classe » – c’est ainsi qu’elle décrit le pont terrestre de 2024 – semble indiquer l’heure d’arrivée des deux derniers camions ayant atteint Haïfa.

Sachant qu’environ 20 % du commerce maritime mondial transite par la mer Rouge, on pourrait s’attendre à ce que cette alternative terrestre soit un grand succès, ou du moins un investissement capitaliste prometteur. Mais en examinant le cours boursier de Trucknet, on constate que l’entreprise n’a pas gagné en popularité : depuis décembre 2023, la valeur de son action ne cesse de chuter.

Une consultation des archives Internet montre que la page de Trucknet présente toujours les mêmes trajets : 2 jours et 7 heures pour un conteneur expédié de Mina Salman à Haïfa, et 4 jours et 2 heures depuis Jebel Ali jusqu’à Haïfa. Ainsi, les « données en direct » sur le succès du transbordement sont figées dans le temps. Elles ne servent que de vitrine à de possibles trajets potentiels et non pas de containers réellement transbordés.

Cet itinéraire terrestre est ainsi présenté, par les médias, comme une solution réelle et de long-terme, sans qu’une telle assertion ne résiste à un examen critique.  

Si le transbordement ne fonctionne pas, alors pourquoi s’en soucier ?

Il semble que le pont terrestre ne soit ni opérationnel, ni financièrement viable. Il relève donc davantage d’un coup politique. Pourquoi, dès lors, investir de l’énergie dans ces communications apparemment futiles ? Toutes les sources citées ici et qui mentionnent ce projet de transbordement entre les Émirats arabes unis et Israël indiquent qu’il s’agit d’un produit dérivé des Accords d’Abraham, signés en 2020 – Bahreïn et les Émirats les ont signés en septembre, rejoints trois mois plus tard par le Maroc et le Soudan pour normaliser leurs relations diplomatiques avec Israël.

Certains rapports en ligne mentionnent également les immenses infrastructures que l’Arabie saoudite a commencé à construire depuis que le prince héritier Ben Salmane a lancé son projet phare de ville futuriste appelée NeoM, ainsi que d’autres liaisons ferroviaires entre Djeddah, Dammam et Jubail, reliant Riyad, la capitale, aux côtes occidentale et orientale du royaume saoudien.

Le projet de pont terrestre illustre le renforcement des liens entre Israël et certains États du Golfe. Si les Saoudiens n’en sont pas encore là – ils n’ont signé ni traité ni reconnaissance officielle avec Israël, contrairement aux signataires des Accords d’Abraham –, ils suivent de près les avancées réalisées par Bahreïn et les Émirats arabes unis en matière de collaboration économique et politique avec Israël depuis 2020. Elham Fakhro, dans son livre sur les Accords d’Abraham (page 49), note que ces trois pays — parfois appelés les États trilatéraux — entretiennent des discussions suivies avec Israël depuis au moins 2009.

L’Arabie saoudite n’a jamais officialisé de normalisation avec Israël, mais elle a coopéré en utilisant des technologies de surveillance israéliennes comme le logiciel espion Pegasus (Fakhro, p. 63-64) ou via le partage d’informations sécuritaires. Depuis au moins 2022, les Émirats arabes unis reçoivent des renseignements satellitaires d’Israël (Fakhro, p. 134, 147).

« Au moment où le génocide à Gaza s’accompagne d’une politique de famine délibérée, les régimes arabes savent qu’ils s’exposeraient à une profonde colère de leurs populations s’ils confirmaient un projet économique qui ne fait que favoriser les développements hyper-capitalistes et l’expansion des intérêts israéliens. »

Cela s’inscrit dans la tendance identifiée par Arang Keshavarzian dans son ouvrage magistral Making Space for the Gulf. Histories of Regionalism and the Middle East (2024) : l’impérialisme dans cette région a historiquement contribué à la fusion des enjeux économiques et sécuritaires. Le cas du transbordement depuis 2024 illustre la coopération entre des acteurs néo-impériaux qui utilisent les mêmes tactiques historiques pour faire avancer leurs intérêts politiques, sans aucune coordination avec les anciennes puissances impériales, États-Unis et Royaume-Uni.

Les Saoudiens sont réticents à une normalisation avec Israël et ne font aucune publicité pour cette voie terrestre. En outre, les médias des deux pays du Golfe concernés ne rapportent aucun « succès » de ce projet, ce qui est assez révélateur. En effet, The National, Khaleej News et l’agence de presse émiratie WAM n’ont, à notre connaissance, publié aucun article sur les accords de transbordement avec Israël, ni sur le mouvement effectif de marchandises par cette route terrestre. La Jordanie a clairement nié, dès décembre 2023, qu’elle autoriserait de tels convois de camions à traverser son territoire. Compte tenu de la perception très négative par les populations arabes des destructions et bombardements agressifs menés par Israël à Gaza, il n’est guère surprenant que le gouvernement jordanien ait démenti les premières rumeurs dès décembre 2023.

Aux Émirats arabes unis, où 80 % de la population s’oppose à la normalisation avec Israël (Fakhro 2024, p. 3), la seule référence à des développements logistiques portuaires concerne un projet récent avec Oman.

Ce que les médias émiratis tiennent à mettre en avant, c’est la livraison réussie d’aide humanitaire à Gaza. Pour eux, il serait obscène et inapproprié de se vanter des « succès logistiques » de marchandises en route vers Haïfa, alors que la bande de Gaza est soumise à des restrictions encore plus sévères en matière d’aide humanitaire et d’approvisionnement alimentaire depuis la rupture de la trêve en mars 2025.

Au moment où le génocide à Gaza s’accompagne d’une politique de famine délibérée, les régimes arabes savent qu’ils s’exposeraient à une profonde colère de leurs populations s’ils confirmaient un projet économique qui ne fait que favoriser les développements hyper-capitalistes et l’expansion des intérêts israéliens.

Pour d’autres acteurs internationaux — l’Asie en particulier — il est acceptable de souligner l’existence de ces nouveaux projets. Les médias indiens manifestent un certain intérêt pour ce site de transbordement. Cela est probablement lié au Corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe, soutenu par les États-Unis et annoncé lors du sommet du G20 en Inde en 2023. Le Premier ministre indien Modi entretient, par ailleurs, depuis quelques années des relations chaleureuses avec Netanyahou.

Un autre acteur puissant et émergent dans la région est la Chine. La politique chinoise dans cette zone a commencé par le secteur de la logistique en 2017, avec le lancement du Saudi China Landbridge Consortium (SCLC). Mais ne vous y trompez pas : ce projet de pont terrestre saoudien est d’ordre domestique. Il ne concerne pas le transbordement, mais bien la construction d’une liaison ferroviaire terrestre — et non un transport de marchandises par camions. Les marchandises y circuleraient à l’intérieur du territoire saoudien, selon un axe est-ouest, et non pas à l’international, en direction du nord-ouest via la Jordanie vers Israël.

Conclusion : quand le monde écrase encore davantage les Palestiniens

En prenant du recul par rapport au corridor Jebel Ali–Haïfa, les contours plus larges de la géopolitique montrent que, une fois de plus, la Palestine est marginalisée, et que les moyens de subsistance des Palestiniens sont totalement exclus de ces plans d’infrastructure et de logistique. Le Premier ministre Netanyahou l’a clairement démontré lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies.

« S’il y a une « construction » en cours, c’est celle d’un récit élaboré par Israël et l’Inde, qui, jusqu’à présent, ne repose que partiellement sur une réalité concrète. »

Dans son discours de septembre 2024, il a présenté deux cartes du Proche-Orient : l’une, en noir, intitulée « La Malédiction » — une référence aux pays hostiles à Israël, tels que l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban —, et l’autre, en vert, intitulée « La Bénédiction ». Sur cette deuxième carte, l’Égypte, le Soudan, l’Inde, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Arabie saoudite, colorés en vert comme Israël, sont reliés par une flèche rouge partant de l’Inde et aboutissant dans le sud-est de la Méditerranée. Netanyahou a parlé d’un pont terrestre, non pas en termes logistiques, mais comme un pont civilisationnel reliant l’Asie à l’Europe. Israël y est présenté comme le centre de cette nouvelle alliance. Israël et ses alliés seraient-ils le cœur d’un néo-empire ?

Les idées de « transbordement » vers Haïfa et de pont terrestre entre les Émirats arabes unis (et, dans une moindre mesure, Bahreïn) et Israël relèvent très probablement de fantasmes d’investisseurs capitalistes, et de la pure propagande des secteurs sécuritaires et économiques israéliens. Elles constituent une contribution sémantique à la construction de nouveaux ordres régionaux dont les effets matériels concrets sont visibles depuis les récentes attaques israéliennes contre le Liban, la Syrie, puis l’Iran il y a quelques semaines.

Ce qui se profile, c’est une forme d’expansion capitaliste agressive, où les ports deviennent des « nœuds critiques » dans l’espace logistique néolibéral, intensif en capital, décrite par la sociologue palestinienne Rafeef Ziadeh. Ces ports sont des complexes industriels fermés, sans réelle perspective pour les travailleurs, marqués par une gestion post-fordiste des sociétés du XXIᵉ siècle et une information médiatique contrôlée. Comme le souligne Arang Keshavarzian dans son dernier livre, il ne s’agit pas simplement d’une construction de l’espace, mais bien d’une production de l’espace destinée à permettre une nouvelle phase de prédation sur la région du Golfe.

S’il y a une « construction » en cours, c’est celle d’un récit élaboré par Israël et l’Inde, qui, jusqu’à présent, ne repose que partiellement sur une réalité concrète. Toutefois, la rhétorique sur les « opportunités uniques pour le secteur logistique » révèle l’enracinement du néo-impérialisme dans de nouveaux arrangements. Une fois encore, ce sont les Palestiniens qui souffrent davantage de ces évolutions.

Les Émirats arabes unis et Israël ne cherchent pas à contrôler directement des entités vassales ou à gouverner militairement des territoires extérieurs ; ils cherchent plutôt à produire des espaces renforçant un contrôle matériel sur des portions toujours plus vastes du globe, les routes maritimes étant appelées à redevenir un enjeu central dans la lutte pour l’hégémonie politique régionale.

 

Auteur/autrice

  • Benoît Challand
    Benoît Challand

    Benoît Challand est professeur de sociologie à New School for Social Research de New-York. Il est l’auteur des monographies Violence and Representation in the Arab Uprisings (Cambridge University Press, 2023), et Palestinian Civil Society. Foreign Donors and the Power to Promote and Exclude (Routledge, 2009). Historien et sociologue, il s’intéresse aux théories de la démocratie, au marxisme européen occidental et aux études comparatives sur le colonialisme de peuplement (settler colonialism).

Tags: IsraëlMoyen-OrientPays arabesRelations internationales

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